Découvrez le parcours et l'entreprise de Refee Mulumba et voyagez au pays de la frite de manioc à travers cette interview.
Présentez vous et votre projet
« Bonjour, je m'appelle Refee, j'ai 31 ans, je suis d'origine congolaise et j'habite Bruxelles. Depuis maintenant 1 an, je commercialise des frites de manioc sur la ville de Bruxelles, principalement à destination des restaurants, en espérant pouvoir aussi développer mon produit pour des particuliers. »
Quel est votre parcours ?
« J'ai fait des études de business : j'ai un bachelier en économie et un master en management science. J'ai travaillé aussi dans le monde corporate, notamment dans les banques en tant que consultant (IT, finance). Il y a un an, j'ai eu l'idée de pouvoir lancer ce nouveau projet. A l'heure actuelle, je suis finance officer pour une ONG internationale. Je m'occupe de tout ce qui est finance pour le bureau de Bruxelles, et sur le côté, je développe mon produit, ma marque. Pour l'instant ça se passe bien !»
Comment avez--vous eu l'idée de votre produit ?
« C'est assez dingue. Je suis chrétien et j'aime bien passer du temps dans la prière. Je me rappelle qu'un jour je suis sorti de la prière et j'avais cette conviction de pouvoir commercialiser ce projet là.
J'ai commencé à faire mon business plan. J'ai pris mon temps : plus ou moins neuf mois avant de me lancer pour étudier le marché, histoire de voir réellement le pour et le contre. Neuf mois aussi pour me tester parce qu'à la base je ne suis pas cuisinier du tout. Je suis juste une personne comme tout le monde qui aime les bonnes choses à manger et qui a découvert la frite de manioc via sa mère. Elle avait l'habitude d'en faire quand j'étais plus jeune.
Les gens ne connaissent pas les frites de manioc donc pourquoi ne pas les faire découvrir, ici à Bruxelles, et partout en Belgique. Je veux proposer ce produit à des gens qui ont un lien avec le manioc de manière globale mais aussi à des gens qui ne le connaissent pas du tout, qui aiment juste la frite et qui veulent changer leurs habitudes alimentaires. Pour l'instant ça se passe bien, les gens sont assez réceptifs et ouverts. Et je dis merci à Dieu tous les jours pour ça. »
Est-ce que le nom Yucammy a un sens particulier ?
« C'est très simple. C'est un jeu de mots entre "yuca" qui veut dire manioc dans un langage sud-américain et "yummy" qui signifie qu'un aliment est bon en anglais. J'ai contracté les deux et le message que je veux lancer c'est que le manioc c'est bon mais c'est encore mieux en frites. Mon combat est de proposer de nouvelles frites qui soient tout aussi bonnes que les frites de pomme de terre ou de patate douce, et de donner un peu plus de lumière au manioc en le présentant sous une autre forme.»
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous lancer ?
« Ce qui m'a vraiment poussé à me lancer, c'est la conviction que j'ai eue. Il fallait avoir l'audace de rentrer dans un marché, un secteur qui connaît bien la frite. Le belge est attaché à sa frite de pomme de terre, comment va-t-il réagir si on lui propose de nouvelles frites ? J'avais quand même cette conviction, cette foi que ça allait fonctionner. J'ai gardé mon calme et j'ai pris le temps d'analyser la situation, le marché, le secteur pour savoir comment me positionner, avec quel message venir, comment faire les choses de manière différente par rapport aux autres qui sont déjà là. Et ça m'a donné encore beaucoup plus de confiance de me dire qu'il y a une opportunité, la possibilité de créer une nouvelle niche, d'en être leader et de marquer un peu l'histoire. Au final, je n'invente rien car la frite de manioc est dans la culture sud-américaine et africaine depuis longtemps. Mais créer une nouvelle marque autour de ce produit et le présenter en Belgique, c'est un challenge auquel je ne pouvais pas dire non. J'avais aussi cette assurance que tout allait bien se passer parce que c'est comme si tout s'alignait : on est dans le bon pays, la bonne culture avec une mentalité assez ouverte, une population assez cosmopolite donc je peux aussi m'appuyer sur une forte communauté africaine ou même sud-américaine et j'ai un produit qui peut toucher tout le monde. »
Si vous deviez me vendre votre produit en quelques phrases, que diriez vous ?
« Je pense qu'il y a un grand besoin de vouloir changer les habitudes alimentaires, de tester et de découvrir quelque chose de nouveau. Il est temps d'arrêter de manger toujours les mêmes choses. De là, les frites de manioc. C'est comme les frites de pomme de terre, ça a la même texture dans le sens où il y a le croustillant à l'extérieur et cet aspect moelleux à l'intérieur. Mais c'est encore mieux qu'une frite de pomme de terre dans la mesure où les valeurs nutritionnelles du manioc sont particulières : il possède tous les nutriments (par exemple la vitamine C, du potassium, des fibres, etc.). Ce produit est aussi bon pour ceux qui ont un régime alimentaire particulier tels que les végétariens ou ceux qui ne mangent pas de gluten. C'est un nouveau produit et je pense que c'est l'occasion de pouvoir lui donner sa chance de se faire connaître. »
Est-ce que vous avez rencontré des difficultés dans votre parcours ?
« Oui pas mal ! (en rigolant) La première difficulté, c'est d'avoir un nouveau produit, dans le sens où le consommateur ne le connaît pas donc il faut l'informer sur ce que ce nouveau produit va pouvoir lui apporter. Il faut aussi avoir un message qui va créer le besoin et rassurer le consommateur.
Le deuxième défi, c'est de trouver une bonne plateforme pour présenter ce produit. A la base, je commercialise les frites de manioc emballées, surgelées et fraîches, et il me fallait une plateforme pour présenter ça au plus grand nombre. Celle que j'ai pu trouver, ce sont les restaurants de type afro/latino parce qu'ils connaissent déjà le produit un minimum et parce qu'il y a tout un contexte autour qui peut faciliter l'accès aux consommateurs finaux. Il faut trouver des gens qui vous font confiance afin qu'ils prennent votre produit.
La troisième difficulté, c'est d'un point de vue financier. Quand j'ai commencé, je n'avais pas un gros capital sur le côté. Je travaille à côté donc chaque mois je prends une partie de mon salaire pour le réinvestir dans mon projet. Il y a parfois des coûts qui ne sont pas prévus et il faut pouvoir avoir cette sagesse de gérer son budget et de faire en sorte que le projet soit viable sur le long terme.
Une autre difficulté, c'est le fait de pouvoir être constant. Dans ce projet, je fais tout seul donc c'est assez lourd, dans le sens où il y a le marketing, les finances, l'administratif et la production. Il faut parfois peu dormir, être prêt à faire des sacrifices et à réajuster son temps pour pouvoir répondre à la demande. Je ne veux pas décourager quelqu'un qui a envie d'entreprendre mais ce sont des réalités qu'il faut partager. »
Beaucoup de difficultés, comment garder sa motivation ?
« La motivation est là et demeure constante quand, non seulement on a une vision claire, mais aussi grâce aux succès qu'on peut avoir durant le parcours. Ce qui fait que je suis toujours autant motivé ce sont toutes les possibilités que je vois et que je peux faire avec ce projet mais aussi les succès que je rencontre. Quand j'ai commencé, j'avais la conviction mais je n'étais pas sûr que ça allait réellement fonctionner. Et puis, du jour au lendemain, on a 1,2,3 restaurants, il y a des gens qui vous contactent pour tester votre produit, des retours positifs, des gens qui veulent vous interviewer. Ce sont des succès que je prends en compte, qui m'encouragent et qui me disent que je suis dans la bonne direction. Maintenant c'est important de garder les pieds sur terre, de continuer à travailler, de ne pas s'emballer mais vraiment faire en sorte d'avoir un projet qui soit solide et qui se maintienne dans le temps. »
Qu’est-ce que BeCook! vous a apporté ?
« BeCook! m'a apporté une sécurité. Le secteur food est assez réglementé donc il faut absolument être dans les meilleures conditions possibles pour pouvoir produire et surtout éviter qu'il y ait des contaminations, des intoxications... J'ai vraiment découvert BeCook! par hasard. Je cherchais un endroit où je pouvais faire ma production et quand j'ai vu ça j'ai dit : "On a besoin de ça, on a besoin de ce genre de solution pour ceux qui veulent démarrer dans le food mais qui ne savent pas comment."
La deuxième chose, je dirais que c'est l'accompagnement. J'ai trouvé des personnes vraiment grandioses comme Sara et Philippe, qui se complètent bien et qui apportent vraiment ce dont les jeunes entrepreneurs ont besoin. Je ne suis pas cuisinier donc il y a des choses que je ne connais pas. J'ai beaucoup appris, en terme d'hygiène notamment. Cet accompagnement est non négligeable. Et c'est aussi important d'avoir des points de référence, des gens qui ont de l'expérience et qu'on peut appeler si on a une question.
Et puis, les synergies. Je pense que dans un milieu où il y a plusieurs start-up food qui sont présentes ensemble, on pourra toujours trouver quelqu'un qui est complémentaire ou intéressé par ce qu'on fait. Et ça permet de créer des partages, des échanges et des possibles collaborations. Pour l'instant ce n'est pas encore arrivé mais je suis sûr qu'il y a des gens que je pourrais rencontrer sur le site et qui seraient intéressés par ce que je fais, ou moi-même inversement je serais intéressé par ce que font les autres. C'est un plus d'avoir un lieu où on peut se rencontrer. »
Quels sont vos rêves pour le futur ?
« Mon rêve, je le résume en quelques objectifs. Le premier, c'est d'arriver à commercialiser les frites de manioc dans les grandes surfaces. J'aimerais, un jour, voir un sachet de frites de manioc Yucammy dans un Delhaize, un Lidl ou un Cora avec le logo et tout un packaging fait pour la grande consommation. Un deuxième point serait d'exporter mon produit dans d'autres pays pour continuer à promouvoir la culture, notamment belge, mais aussi congolaise, africaine et sud-américaine car c'est un produit qui arrive à toucher toutes ces cultures. Ca serait vraiment un rêve de pouvoir être une forme d'ambassadeur culturel de la frite de manioc. Un autre objectif est de pouvoir continuer à influencer par mon récit, par mon histoire, par mon projet parce que le parcours que j'ai est assez fou et osé. Voilà, j'aimerais toujours continuer à inspirer les autres et oser tout simplement. »
Pour conclure, j'ai beaucoup apprécié rencontrer Refee et l'écouter parler de son projet. Ce fût un moment très intéressant et touchant. Un très grand merci à Refee d'avoir accepté cette interview malgré son planning très chargé. Je le remercie également d'avoir partagé son process de fabrication avec moi et de m'avoir fait goûter ses frites de manioc. C'est une nouvelle expérience culinaire délicieuse. Alors si vous aimez les frites, le manioc ou les deux n'hésitez pas à vous lancer et à goûter ce produit !
Si vous souhaitez découvrir Yucammy et ses frites de manioc, rendez vous sur :
Site internet : www.yucammy.com
Réseaux sociaux : facebook : Yucammy
Instagram : Yucammybnl
E-mail : [email protected] ou [email protected]
La personne interviewée : Refee Mulumba
L'interviewer et la retranscription : Laurine
17-06-2022
Comments